Mondial 2022 : « La France collabore à l’opération de propagande d’une théocratie islamique rétrograde »
Fabien Ollier, directeur de la revue Quel Sport ?, et plusieurs intellectuels dénoncent ce qu’ils estiment être un soutien officieux apporté au Qatar et à son régime liberticide, à travers la participation à la Coupe du monde.
Publié le 6 décembre 2022 sur le site marianne.net
Tandis que l’invasion de l’Ukraine menée par l’armée russe et ses divers supplétifs constitue une menace immédiate pour la paix dans toute l’Europe et que Poutine accentue de jour en jour sa politique génocidaire qui vise à rayer de la carte un peuple souverain en multipliant les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (destructions massives des villes et des installations civiles, tortures, viols, exécutions sommaires et charniers, déplacements forcés des populations, annexions, russification), les caméras et les commentaires du monde entier sont braqués vers « l’événement planétaire » : le Mondial de football au Qatar. Les fans de la « planète foot », à l’unisson de la quasi totalité des médias publics ou privés, osent encore présenter le Mondial comme « un facteur de compréhension entre les peuples », une « fête de la jeunesse », un « rassemblement sportif fédérateur » et autres slogans éculés de la « paix sportive » que la bureaucratie dirigeante de la FIFA, plombée depuis des années par de graves affaires de corruption, ressort régulièrement comme un mantra. Les déclarations scandaleuses de son président Gianni Infantino qui s’oppose à toute forme de solidarité avec les femmes, les jeunes et les démocrates victimes de la répression sanglante du régime islamique des ayatollahs en Iran et qui fait l’apologie servile du Qatar donnent la mesure de ce qu’est devenue la FIFA : une mafia affairiste et cynique.
Oublié le « Qatargate » – instruit par les justices suisse, française et américaine – qui révèle pourtant les pratiques maffieuses tentaculaires des autorités du football mondial, dont Sepp Blatter et Michel Platini en lien avec le président de l’époque Nicolas Sarkozy (Lemonde.fr, 20 octobre 2022 ; « Sarkozy, Platini et l’émir… Au cœur du “Qatargate” », Le Monde, 16 novembre 2022). La FIFA collabore ouvertement – au nom de l’apolitisme bien sûr… – avec les dirigeants d’un pays à haut niveau de corruption, de surcroît pourvoyeur idéologique du rigorisme islamiste et bailleur de fonds des groupes djihadistes (AFP, « Le Qatar, suspect numéro 1 de financement du terrorisme », 5 juin 2017). Mais seules captivent les « prouesses » des millionnaires en crampons durant la kermesse commerciale du ballon rond ! Et c’est ainsi que la multinationale FIFA clôturera le tournoi en engrangeant plus d’un milliard de dollars de bénéfices nets (Lesoir.be, 20 novembre 2022).
Évaporées les timides préoccupations sur le respect des droits de l’Homme en dictature wahhabite. Tandis que la richissime pétromonarchie du Qatar continuera d’asservir sa population en appliquant strictement la Charia et ses préceptes discriminatoires scandaleux, en mettant au pas les femmes « rebelles » et en persécutant les homosexuels passibles de la peine de mort, les Bleus pourront continuer à s’entraîner dans leur parc-hôtel de luxe, et les journalistes disserter sur la température trop fraîche des stades climatisés et la qualité des campings.
Relégués aux faits divers l’esclavagisme brutal imposé aux travailleurs migrants qui ont construit les stades pharaoniques en y laissant leur vie, la prostitution massive des femmes étrangères dans les luxueux hôtels de supporters, l’incessant ballet des vols aériens qui déversent chaque jour des milliers de supporters en aggravant le désastre écologique et l’empreinte carbone (voir Les Dossiers du Canard, n° 165, octobre 2022).
Une seule question existentielle tracasse le gouvernement français : « Nos Bleus », diminués par les forfaits en cascade, accèderont-ils aux quarts de finale pour que la ministre des Sports vienne les encourager, et surtout aux demies finales pour que le président Macron saute de joie devant les caméras ?
Cette diversion qui légitime le dérisoire est l’une des fonctions politiques principales du football : la chloroformisation et la dépolitisation par la fausse conscience, l’opium du peuple. Le rôle politique du football est d’être l’écran de rêve qui occulte la réalité socio-politique derrière le mirage des « tirs en pleine lucarne », des « buts fabuleux », des « passes lumineuses » qui font « chavirer de bonheur ». Or, l’abrutissement du football se situe aussi dans les commentaires chauvins hystériques des « consultants », dans les foules en délire qui envahissent les terrains, hurlent des slogans racistes et affrontent les supporters adverses au nom de la « loyauté sportive » (après la victoire du Maroc contre la Belgique, des supporters cagoulés des « Lions de l’Atlas » ont ainsi saccagé le centre-ville de Bruxelles et blessé un journaliste ; Lefigaro.fr, 27 novembre 2022).
Le football professionnel est devenu un appareil idéologique pour tous les États, surtout les régimes théocratiques, autocratiques ou militaro-policiers. Aurait-on oublié le Mundial 1978 en Argentine organisé par la dictature militaire ? Le Président Macron, devenu professionnel de l’enfumage sophistique, appelle à « ne pas politiser le sport » (AFP, 17 novembre 2022) alors qu’il ne cesse de convier les sportifs à l’Élysée. Ses déclarations pendant le match France-Danemark illustrent jusqu’à la caricature son opportunisme cynique en invitant à « préserver l’esprit du sport qui doit rester un espace de rapprochement des peuples, autour de valeurs universelles », avant d’ajouter que « le Qatar s’est engagé dans cette voie et doit continuer. Il peut compter sur notre soutien » (AFP, 26 novembre 2022). Prenant la posture d’un chauffeur de salle, il s’adresse « à toutes les équipes et aux nations représentées » : « Vous faites aujourd’hui vibrer le monde à chaque but marqué. Alors vibrons ensemble ! Et une fois encore : allez les Bleus ! » (AFP, 26 novembre 2022).
La participation des Bleus au Mondial ne signifie donc rien d’autre que la collaboration politique de l’État français à l’opération de propagande d’une théocratie islamique rétrograde qui vend du gaz et du pétrole et achète des Rafales. Dans ce contexte, les pseudo-indignés de LFI qui ne veulent pas « prendre les footballeurs en otage » sont à présent pris au piège de l’apolitisme du « foot-culture-populaire-universelle ». Selon le député Alexis Corbière « on peut aimer le foot et détester cette Coupe du monde », « regarder le football mais les yeux ouverts, la conscience ouverte, éveillée sur ce scandale écologique, social et démocratique » (Le Figaro, 23 septembre 2022). Cette palinodie typique du « en même temps » conduit Jean-Luc Mélenchon à exhorter les « meilleurs footeux du monde » à « faire honneur à la Nation française et au peuple français » en faisant « quelque chose » pour prouver qu’ils sont des « insoumis » en régime dictatorial (AFP, 24 novembre). Or, n’est pas l’équipe d’Iran qui veut, dont les joueurs ont pris de gros risques en refusant de chanter l’hymne national lors de leur premier match…
Quel que soit le résultat final de la compétition, il convient aussi de dénoncer le double langage hypocrite des responsables de la Fédération française de football (FFF) qui prétendent défendre l’universalisme des droits humains dont se réclame la République française tout en acceptant sans le moindre scrupule qu’un Émirat islamique fondamentaliste, obscurantiste et esclavagiste refuse de les respecter au nom de ses « traditions » et de ses supposées « valeurs » qui imposent aux femmes qataries l’enfermement du hijab et la condamnation des relations sexuelles extraconjugales. Aux amateurs du « beau jeu » dans des stades hautement surveillés (150 000 caméras de vidéosurveillance) et quadrillés par des milliers d’agents de sécurité, de forces spéciales étrangères, de policiers en civil et de chiens renifleurs, il convient enfin de rappeler que l’émir Tamim ben Hamad Al Thani a chaleureusement remercié Poutine, le dépeceur de l’Ukraine, pour l’implication de la Russie dans l’organisation du Mondial (Lefigaro.fr, 13 octobre 2022).
Signataires : Dominique Baqué, philosophe, historienne et critique d’art ; Miguel Benasayag, philosophe et psychanalyste ; Jean-Michel Besnier, professeur émérite de philosophie à l’Université Paris Sorbonne ; Jean-Marie Brohm, professeur émérite de sociologie à l’Université Montpellier III ; Pascal Bruckner, philosophe et écrivain ; Gilles Bui-Xuân, professeur émérite en sciences et techniques des activités physiques et sportives ; Anne-Lise Diet, psychanalyste, analyste de groupes et d’institutions ; René Fregosi, philosophe et politologue ; Jacques Gleyse, professeur émérite en sciences et techniques des activités physiques et sportives à l’Université de Montpellier ; Christian Godin, philosophe ; Emmanuelle Hénin, professeur à la Sorbonne, membre de l’Observatoire du décolonialisme ; Marc Jimenez, philosophe et essayiste ; Catherine Kintzler, professeur honoraire à l’Université de Lille ; Philippe de Lara, philosophe, maître de conférences honoraire à l’Université Paris 2 ; Claire Laux, professeur à Sciences po Bordeaux ; Laurent Loty, historien des idées scientifiques et politiques au CNRS ; Céline Masson, psychanalyste, professeur à l’Université de Picardie Jules Verne ; Fabien Ollier, directeur de la revue Quel Sport ? ; Laetitia Petit, maître de conférences-HDR en psychologie clinique à l’Université Aix-Marseille ; Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie politique aux Universités Paris I et Toulouse II ; Daniel Salvatore Schiffer, philosophe et écrivain ; Isabelle Starkier, metteure en scène, maîtresse de conférences en études théâtrales ; Pierre-André Taguieff, philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS ; Patrick Vassort, maître de conférences-HDR en sociologie à l’UFRSTAPS de Caen ; Yves Charles Zarka, professeur émérite à l’Université de Paris Cité.
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Communiqué de Quel Sport ?
La France ne doit pas légitimer le Mondial d’une théocratie islamique !
Dans un an, du 21 novembre au 18 décembre 2022, la pétromonarchie du Qatar organisera sa Coupe du monde de football en plein désert. Elle a été désignée en 2010 par la FIFA dans un climat de corruption, de trafic d’influence et d’association de malfaiteurs qui donne lieu à des enquêtes menées par les justices américaines, suisses et par le parquet national financier en France. Mais en dépensant pas moins de 300 milliards de dollars pour construire les grands stades climatisés, les îles artificielles ou les néo-villes luxueuses destinées aux festivités des grandes fortunes de ce monde, la richissime théocratie islamique strictement régie par la Charia est en passe d’accomplir sa Taqîya mondialiste – l’art de la dissimulation pour tromper l’ennemi, selon le Coran. Mirage de fastes footballistiques à l’occidentale dans un macabre univers de rigorisme wahhabite, le Qatar, aidé en cela par la FIFA qui entend profiter de la manne financière des nouveaux « partenaires » (ou parrains) du ballon rond, a parfaitement compris que les terrains de sport sont des zones stratégiques pour consolider ses bases politico-économiques, étendre son influence idéologique et faire taire les critiques au sujet de ses atteintes régulières aux droits de l’Homme.
L’ordre islamique au Qatar : servitude, intolérance, violence
Derrière des apparences de super-modernité à l’occidentale – architectures luxueuses démesurées, musées d’art, organisation de grands événements sportifs, etc. –, le Qatar suit rigoureusement les dogmes du wahhabisme, un courant très proche du salafisme. Profondément obscurantiste, il prône en effet un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane du prophète Mahomet et de ses premiers successeurs ou califes. Cela se traduit avant tout par la soumission des femmes musulmanes à l’autorité des hommes, leur assujettissement à un statut d’inférieure tel que l’édicte le Coran (Sourate IV-11, 15, 34 ; Sourate XXIV-31), leur réduction à des objets sexuels, leur emprisonnement sous le noir du voile. Concomitamment, la prostitution des femmes étrangères (d’Asie centrale ou d’Europe) dans les lieux touristiques, plus encore dans ceux qui accueilleront les supporters de tous les pays, est au cœur d’un système maffieux de trafic d’êtres humains où elles subissent maltraitances et viols sans pouvoir trouver de l’aide auprès d’une justice corrompue et au fond complice. Les politiques de moralité publique appliquent l’ensemble des punitions que la Charia préconise : décapitation au sabre pour les condamnés à mort, lapidation en cas de rapports sexuels illicites, pendaison pour les blasphémateurs, mains coupées pour les voleurs, mutilation sexuelle des jeunes filles, etc. L’idéologie islamiste qui se répand dans les médias qataris prône la répression des « infidèles », des « apostats », des libres penseurs, des homosexuels et la « police des mœurs » entend imposer l’asservissement des femmes « rebelles », y compris par la violence physique.
Le pays des collecteurs de fonds du terrorisme islamique
Par ailleurs, nul n’ignore plus parmi les services de renseignement et l’appareil judiciaire de l’anti-terrorisme français que de nombreuses familles princières du Qatar ont financé directement ou indirectement la propagande djihadiste, certains camps d’entraînement militaire en Afrique du nord et plusieurs opérations terroristes de l’islamisme radical. Le régime qatari, maître d’œuvre de la reconnaissance internationale de l’État taliban en Afghanistan, est de surcroît un soutien politique, diplomatique, financier et logistique important des fondamentalistes qui font actuellement régner une terreur à Kaboul. Il est aussi incontestable que le Qatar est le pourvoyeur idéologique du rigorisme islamiste et de ses principales thèses sur la « guerre sainte » à mort contre le « grand Satan » américain et les « petits Satans » israélien et français. La radicalisation suprême de l’Islam qui vise alors à tuer les mécréants où qu’ils se trouvent (lecture extrémiste de la Sourate IV-89) résulte des fondements antijuifs, sectaires, intégristes, sexistes, du wahhabisme érigé en religion d’État et en police de la pensée et des mœurs au Qatar. Il est aussi de notoriété publique que le Qatar aide le Hamas à concrétiser son rêve de « rayer » Israël de la carte et d’établir une théocratie islamique en Palestine.
Stades-cimetières et arènes esclavagistes
Pour accueillir toute la « planète foot » – ou du moins celle capable de se payer des forfaits de séjour à plusieurs dizaines de milliers d’euros…– de luxueuses infrastructures touristiques et des stades mégalomaniaques sont sortis du désert. Sur les chantiers, le droit international du travail n’a jamais été respecté. Les millions de migrants en provenance d’Inde, du Bangladesh, du Népal, du Pakistan, du Sri Lanka, des Philippines et du Kenya font l’objet d’une traite esclavagiste : 70 heures de travail par semaine, travaux forcés sous des chaleurs accablantes, rémunération sans rapport avec le travail effectué, menaces de licenciement et de retour au pays à la moindre revendication, passeports confisqués, entassement dans des chambres exiguës aux sanitaires défectueux, conditions de sécurité insuffisantes, etc. Selon le journal britannique The Guardian au moins 65 000 travailleurs migrants seraient morts en fabriquant les futurs stades du Mondial. Le gouvernement du Qatar ose évoquer un bilan des morts « proportionnel au nombre de travailleurs étrangers ». La FIFA affirme que « moins de travailleurs meurent en construisant pour la Coupe du monde que dans le reste du monde » (Lesoir.be, 23 février 2021). Cette exploitation cynique des travailleurs étrangers dans des conditions atroces correspond au statut de sous-humain qu’attribue le wahhabisme aux infidèles.
Refusons de cautionner par le football l’intégrisme islamique !
Dans ce contexte, la question se pose clairement : l’équipe de France tenante du titre remporté en Russie alors que Vladimir Poutine utilisait ouvertement le Mondial pour imposer sa dictature à l’intérieur de ses frontières et menacer militairement ses voisins, doit-elle désormais légitimer par sa présence et éventuellement par une nouvelle victoire qui fera chavirer de bonheur les Français (forces politiques « progressistes » en tête…) un régime qui fait jouer au football sur des cimetières d’ouvriers, qui traite les femmes comme des sous-humains et qui distille à tous les fidèles musulmans la haine islamiste de l’Occident, des Droits de l’Homme, des libertés démocratiques et laïques ? Nous pensons qu’il faut interpeller la Fédération française de football, l’équipe de France et les journalistes sportifs, mais aussi les organisations de défense des droits de l’Homme et les formations syndicales et politiques sur le fait qu’au Qatar les Bleus seront les ambassadeurs de l’idéologie islamiste qui aspire à saper les fondements de nos démocraties en utilisant le cheval de Troie sportif pour financer et masquer sa propagande fanatique. La seule position éthique juste est donc de ne pas participer au Mondial 2022 et de le faire savoir aux autres nations. Cet acte dénoncerait la duplicité de la FIFA qui prétend ne pas faire de politique – juste « protéger les droits humains et lutter contre les discriminations »… – mais qui collabore ouvertement avec les autorités d’un pays liberticide, esclavagiste et profondément intolérant afin de dégager de juteux bénéfices d’un barnum commercial que Gianni Infantino annonce déjà comme « la plus belle Coupe du monde de l’histoire ».
Octobre 2021